Pozgarria da (« C'est un bonheur ») met en musique quatre poèmes du père Bitoriano Gandiaga, figure importante de l'histoire du peuple basque et de sa langue.
J'aime la simplicité et la profondeur avec laquelle ces poèmes abordent les thèmes de la gratitude, de la terre, de la mort et de la joie. (Suivant une idée initiale de mettre en musique les principaux concepts qui sont au cœur de l'oeuvre de l'écrivain anglais Gilbert Keith Chesterton : la gratitude, l'émerveillement et la joie.)
La gratitude, en reconnaissant qu'il est merveilleux de se savoir vivant.
La terre : terre du pays, terre des ancêtres, terre-mère.
La mort : tout passe, le jour, la nuit, nous aussi, nous passons, nous trépassons.
La joie : la grâce de la vie, la joie de vivre, le souhait que chaque être vivant soit dans la joie.
Dans la musique, il y a aussi quelque chose de l'enfance, surtout dans les sections instrumentales de la deuxième partie (piste 7), Maite dut bizitza (« J’aime la vie »), avec son petit motif copieusement répété.
C'est la joie simple et exubérante de l'enfant qui prend plaisir à répéter (parfois sans interruption) le même geste, la même histoire, la même farce.
Ces sections instrumentales ont été composées comme s'il s'agissait d'un enchaînement en soi, d'un seul tenant. (cf. la piste 9 pour cet enchaînement qui omet les passages du trio vocal).
Avec l'idée d'une joie qui ne s'arrête jamais, qui, musicalement donc, répète aussi longtemps que possible le même enchaînement de deux accords :
Avec sa broderie imposée au second accord :
Ce flot continu est entrelacé avec les séquences du trio vocal. C'est donc sous cette forme que Maite dut bizitza a été réalisé. Cependant, les réassemblages d'un seul tenant (le même procédé est appliqué au trio vocal, piste 10), en modifiant la perspective d'écoute, révèlent des aspects nouveaux, moins perceptibles autrement.
Pozgarria da est une commande de l'ensemble 0, de la Scène nationale du Sud-Aquitain, de l’Institut Culturel Basque et du Fonds de dotation Culture:Kultura pour la célébration des 30 ans de l’Institut Culturel Basque.
Père Bitoriano Gandiaga (1928-2001)
(trad. Amaia Carrere)
Pozgarria da egun berrira
Pozgarria da egun berrira
beste behin iratzartzea
eta oraindik ere bizirik
naizela konturatzea.
Egun on, Jauna, eta eskerrak,
hauxe da berriz sortzea
eta tratuan berriz izaki-gizakiekin jartzea.
Il est merveilleux de se réveiller une fois de plus en un jour nouveau
Et de me rendre compte que je suis toujours en vie
Bonjour Seigneur, et merci
C’est cela de se sentir renaître
et de se remettre en relation avec mes semblables.
Lurra hartu dut esku barruan
Lurra hartu dut esku barruan,
eskutada lurra,
herriko neure lurra,
neure asaben lurra,
lurreko neure lurraren
lur puska ziurra.
Harriaren arreba
lurra hartu dut esku barruan,
euskaldunen ama lur,
uraren kideko lur,
suaren sostengu lur
zuraren orpoko lurra.
Lur hotza, lur beroa;
lur hila, lur bizia;
lur nabar, lur argia;
lur astun, lur arina;
lur samin, lur atsegin;
lur gogor, lur gozatsu;
lur iraindu, lur maite;
lur jator samurra.
Lurra hartu dut eskuan
mun emateko,
besarkatzeko,
bularrean herstutzeko
luzaro.
Eta gero,
neure burua baino
gorago jasoz eskua,
burutik behera utzi dut
sorbaldaz behera jausten,
neure lur guztiz behera,
lurrezko bataioaren
seinaletan.
J’ai pris de la terre à l’intérieur de ma main
Une poignée de terre, celle de mon pays
La terre de mes ancêtres
Ce qui de la terre, est ma terre
Un petit bout de terre, si sûr, si fiable.
J’ai pris de la terre à l’intérieur de ma main
Sœur de la pierre
Terre-mère des basques
Compagnon de l’eau
Support pour le feu
Et socle d’appui pour l’arbre.
Terre froide, terre chaude,
Terre morte, terre vivante,
Terre obscure, terre lumineuse,
Terre pesante, terre légère,
Terre rude, terre agréable,
Terre dure, terre douce,
Terre injuriée, terre aimée,
Terre tendre et accueillante.
J’ai pris de la terre dans ma main pour lui donner un baiser
Pour l’étreindre
Pour la serrer contre ma poitrine
Très longtemps
Et ensuite,
Levant ma main au-dessus de ma tête,
J’ai laissé glisser la terre
Depuis ma tête jusqu’au épaules
Et descendre tout au long de mon corps
Toute ma terre, si humble,
Signe du baptême de Terre.
Pasatzen dira hodeiak
Pasatzen dira hodeiak,
txoriak, gaua, eguna.
Pasatzen gara geu ere.
Pasatzen gara ta ez da
egundo inon geratzen
utzi beharko genukeen
eho genuen ehuna.
Ils passent
Les nuages, les oiseaux, la nuit, le jour
Nous trépassons, nous aussi
Nous trépasserons,
Et jamais, nulle-part
Il ne restera le voile de ce que l’on aura tissé.
Maite dut bizitza
Maite dut bizitza,
maite dut,
eta bizipoza opa diot
bizitzari.
Bizipoza opa diot
bizi nazala dasaidan
kontzientziari.
Bizipoza bizirik
dakusdan inguruari.
Bizitzaren grazia
Bizi duen bizidun
orori opa diot
bizipoza.
J’aime la vie
Je l’aime
Je souhaite la joie de vivre à la vie elle-même.
Je souhaite la joie de vivre à la conscience,
Celle qui me dit que je suis toujours en vie.
Je souhaite la joie de vivre à l’environnement
Que je vois vivant autour de moi.
Je souhaite la joie de vivre à chaque être vivant
Qui vit la grâce de la vie.